Chi Gong, Tai Chi, Yoga : se soigner en respirant

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Dans nos jardins publics, il y a des places de jeux pour enfants, avec des manèges, des cabanes, des toboggans. Mais au Japon ou en Chine, dans les jardins publics, on trouve plutôt des appareils pour faire de l’exercice physique : comme dans un club de fitness, des appareils pour soulever des poids, pour marcher sur place, pour travailler les cuisses ou les fessiers.

Et à qui sont-ils destinés ? Aux personnes âgées.

Des grand-mères qui soulèvent des haltères dans un parc
Ce sont elles, les personnes âgées, qui viennent s’entraîner, par petits groupes en bavardant, souvent tôt le matin (après il fait trop chaud). Les jeunes ou les adultes, ils n’ont pas le temps. Ils sont trop occupés à travailler.

Est-ce pour les encourager à faire de l’exercice ? Est-ce qu’on les oblige ? Pas du tout, si on a installé ces appareils, c’est parce qu’ils les ont réclamés.

Ma grand-mère, il aurait fallu la payer pour aller faire des flexions-extensions dans un parc. Elle aurait eu honte. Elle aurait eu le sentiment de perdre son temps, et de se rendre ridicule. Mais les grands-pères et les grands-mères d’Asie, ils n’ont pas honte. Ils sont bien plus malins que nous.

En Asie, on trouve aussi, dans les grandes villes, des clubs de fitness à l’occidentale, où une clientèle très jeune vient suer à grosses gouttes en écoutant de la musique très fort, une bouteille de boisson énergisante à la main (bourrée de sucre).

Mais les personnes âgées, elles, se rassemblent dans les parcs, pratiquant quotidiennement d’étranges chorégraphies ou se musclant tranquillement sur les pédaliers ou les barres fixes installés dans les jardins.

Chacun son idéal : bodybuilder ou maître zen.On sait que l’espérance de vie des Japonais est la plus élevée du monde. On a tous aussi en tête l’image de ces bonzes tibétains qui vieillissent en parfaite santé sur le toit du monde, dans la simplicité et la frugalité.

Quel est leur secret de longévité ? Les sushis ? Le riz ? Une alimentation moins grasse et moins calorique que la nôtre ? Oui, c’est vrai, en partie.

Mais surtout, les sociétés orientales ont compris depuis très longtemps deux choses : la santé est un état d’équilibre global, qui prend en compte le corps et l’esprit ; une pratique physique modérée, mais quotidienne, est la clé d’une bonne santé, notamment avec l’âge.

Nous, à l’ouest de l’Oural, nous avons inventé des formes d’exercice physique qui sont à l’image de notre vision du monde : plus vite, plus haut, plus fort, comme dirait l’ami Coubertin. Le sport comme mode de dépassement de soi et d’évasion.

D’où le marathon, le fitness, l’aérobic, la gym suédoise, le spinning (cette sorte de fitness sur bicyclette en salle)… Des pratiques physiques très intenses, souvent désastreuses pour les articulations, où le rythme cardiaque fait des pointes au-delà du domaine du risque.

En Asie, le but n’est pas d’améliorer son temps d’un dixième de seconde ou de soulever 100 grammes de plus. C’est de durer plus longtemps.Personne ne se blesse en faisant du Chi Gong, du Tai Chi ou du Yoga. Alors que j’ai tellement d’amis qui se sont cassé quelque chose au ski.

Des exercices physiques inspirés du fonctionnement du corps
Yoga, Qi Gong, Tai Chi, pour ne citer que les pratiques les plus connues, elles ont en commun le même point de départ : la respiration.Difficile de nier que c’est la fonction physiologique la plus essentielle pour notre vie avec le battement du coeur, les deux étant d’ailleurs intimement liées.

Le Qi Gong distingue pas moins de huit manières de respirer : douce, continue, longue, relaxée, uniforme, fine, profonde, silencieuse ! S’agissant du yoga, une branche entière, le Yoga Pranayama, est consacrée exclusivement à la guérison par des techniques de respiration.

En s’appuyant sur la maîtrise de la respiration, les exercices pratiques visent à développer la circulation de l’énergie vitale dans le corps et l’esprit (approche chinoise) ou à équilibrer l’esprit par rapport au corps (approche indienne).

Dans le Tai Chi et le Qi Gong, les exercices consistent en des mouvements lents, toujours combinés à des exercices respiratoires, qui visent à faire circuler les énergies. Au yoga, le travail associe des positions du corps (les postures, dites asanas), respiration et relaxation.

Des médecines traditionnelles venues d’ailleurs… mais validées par notre science. Vous ne croyez pas à ce genre de charabia et vous vous dites que ce qui est bon pour les Indiens ne l’est pas forcément pour nous ?

Pourtant, les effets positifs sur la santé de ces pratiques sont désormais reconnus par la science occidentale : à tel point que yoga ou Qi Gong sont désormais pratiqués à l’intérieur des hôpitaux, y compris en France.

L’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris a été pionnier en la matière en créant dès 2011 un centre intégré de médecine traditionnelle chinoise. Celui-ci propose, notamment à des patients traités pour un cancer, diverses techniques venues d’Asie (Qi Gong, massages chinois, Tai Chi, etc.). Le but est de leur permettre de pratiquer une activité sportive pour leur redonner de l’énergie, améliorer leur sommeil et, selon les cas, agir sur des organes ou des fonctions spécifiques.

Car des études scientifiques sont venues confirmer la capacité des médecines traditionnelles orientales à soigner notre corps. Des gymnastiques pour tout le monde, y compris les cancéreux, les personnes en rééducation, ou les femmes enceintes

Une analyse portant sur un échantillon de 1 535 personnes, dont 559 adultes en bonne santé et 976 souffrant de diverses pathologies, a démontré les effets positifs d’une pratique régulière de Baduanjin Qi Gong. Il s’agit de l’une des formes de base du Qi Gong, qui comporte 8 exercices.

Une pratique régulière améliore :

– la qualité du sommeil,
– l’équilibre,
– la souplesse,
– mais aussi la pression artérielle et la fréquence cardiaque.
Ces résultats sont valables aussi bien pour les participants en bonne santé que pour ceux qui étaient malades au début de l’étude.

S’agissant spécifiquement de l’hypertension, les bénéfices du Qi Gong et du yoga ont été mis en évidence par plusieurs méta-analyses (c’est-à-dire qu’elles compilent les résultats de plusieurs études) .

30 minutes d’activité physique modérée par jour, le meilleur investissement
Cette recommandation de l’Organisation mondiale de la santé semble tomber sous le sens.

Mais mis à part la marche et la pétanque, l’Occident n’a pas inventé de formes d’exercices physiques doux, praticables par tous et qui soient bénéfiques au quotidien pour notre santé en général.

Si vous avez envie de reprendre un peu d’exercice, si vous êtes convalescent(e) et que vous manquez encore d’énergie, si vous voulez être sûr(e) que vous ne vous ferez pas plus de mal que de bien, vous auriez tort de vous priver des bienfaits de ces pratiques.

(Frédéric Forge)